Interview avec M. Yéra Dembele, Président de la Fédération Euro-Africaine de Solidarité, membre de ADEPT basé en France
– Pourriez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?
Je suis Yéra Dembele, ingénieur économiste et docteur en Sciences de Gestions. Au début de mon parcours professionnel, je me suis spécialisé dans l’exploitation des pipelines et l’économie pétrolière afin d’y travailler à mon retour au Mali. Néanmoins, puisque le pétrole ne se trouve pas dans ce pays, je suis revenu en France pour me spécialiser davantage dans l’économie des systèmes énergétiques.
Durant mon travail au Commissariat à l’Energie Atomique, nous avions travaillé sur l’élaboration de guides « Technologies industrielles appropriées – Production autonome de l’énergie – Agroalimentaire-déchets-eau » en vue de promouvoir le transfert technologique entre les pays francophones (France, Wallonie et la Belgique) vers l’Afrique. Ce guide avait pour but d’aider les pays africains, pendant les années 80, à élaborer les technologies de production autonome de l’énergie solaire. En effet, nous voulions amener ces pays à satisfaire eux-mêmes à leur propre consommation d’énergie. Néanmoins, ce guide n’a jamais été exploité en Afrique, ce qui nous a amené nous-même à monter une structure pour diffuser ces technologies au sein de la diaspora.
Au début, le projet était purement professionnel, ensuite, quand nous avons vu que les pays africains n’exploitaient pas ces technologies, nous avons décidé de passer à des projets plus associatifs et s’investir dedans.
– Quel était le but de la création de la Fédération Euro-Africaine de Solidarité ? Quand a-t-elle été créée et quels sont ses objectifs aujourd’hui ?
A l’origine, c’était la Fédération des Associations Franco-Africaines de Développement (FAFRAD) qui a été créée en 1992. Son but était de décloisonner l’espace et les domaines de la coopération Nord-Sud. Plus particulièrement, il s’agissait d’assurer une meilleure coordination des initiatives Franco-Africaines de développement.
La FAFRAD a fait de l’accompagnement à la création des associations, allant de la rédaction des statuts jusqu’à l’accompagnement des projets d’intégration en Europe et de développement en Afrique, mais également à la création des entreprises et à la diffusion de l’information par le biais d’une newsletter.
Néanmoins, les activités qui étaient soutenues par l’état Français devenaient trop lourdes et donc, nous avons décidé de la décentraliser et de créer différentes structures. D’abord, une structure s’occupant de la jeunesse qui s’appelle FAFRAD Jeunesse, une autre qui s’occupe de l’entreprenariat qui s’appelle FAFRAD Economique, et une troisième qui s’occupe des associations, qui s’appelle FAFRAD Associatif. En effet, c’est FAFRAD Economique qui est à l’origine de la création de la FEASO en 2006.
Le but actuel de la FEASO est de promouvoir l’esprit d’entreprise au sein de la diaspora africaine en Europe, à valoriser les savoir-faire et compétences Euro-Africaines dans la création d’entreprises et développement local en Afrique, également, à assister dans le montage et la conduite des projets. De plus, puisque les autres structures n’ont pas pu décoller comme la FEASO, cette dernière est amenée à étendre ses activités à celles des autres.
– Quels sont les projets et les domaines d’activités de la Fédération Euro-Africaine de Solidarité et comment voudriez-vous maximiser votre impact sur le continent ?
Les domaines d’activités de la FEASO sont l’accompagnement associatif, les formations et l’appui aux projets de développement et de création d’entreprises. Nous souhaitons maximiser notre impact à travers la création des structures relais au niveau du continent africain et non simplement nous limiter à l’accompagnement des associations en Europe.
Nous avons réalisé que pour que la diaspora ait un impact, elle doit avoir des correspondants dans les pays africains. Néanmoins, il y a un problème au niveau de la taille des structures avec lesquelles la diaspora pourra travailler. D’un côté, il y a les grandes structures qui travaillent avec les grands bailleurs comme l’Union Européenne et la Banque Mondiale. D’un autre côté, il y a des structures artisanales, très petites et pas assez professionnelles. En effet, il est nécessaire de travailler avec des structures dont les prestations répondent aux normes professionnelles internationales mais à des coûts ou tarifs du marché local, accessibles aux acteurs de la diaspora africaine et leurs correspondants en Afrique.
Nous avons déjà testé cette démarche dans certains pays africains et nous avons eu de bons résultats. Nous avons aidé des jeunes à créer des structures professionnelles où des cabinets effectuant les études préalables aux projets portés par les acteurs de la diaspora (études techniques, socio-économiques, de l’environnement, du marché etc.). A travers cette démarche, nous avons été capables d’optimiser l’intervention de la diaspora en Afrique.
– Quel message voudriez-vous envoyer à d’autres organisations de la diaspora ? Aux leaders de l’UE et de l’UA ? À la jeunesse africaine ?
D’abord, il faudrait considérer les diasporas comme des partenaires à part entière, être conscient de leurs capacités et savoir-faire, afin de pouvoir répondre aux besoins de l’Afrique.
Ensuite, les jeunes issus de la diaspora ont du savoir-faire spécifique qui peut mieux être valorisé en Afrique. En effet, il y a plusieurs jeunes qui cherchent à s’installer dans leurs pays d’origine mais qui ont peur des procédures administratives et des difficultés d’installation.
Enfin, c’est aux gouvernements et aux leaders africains de préparer l’environnement et les lois convenables pour le retour des jeunes africains en Afrique.