“ Nous encourageons fortement le partage interculturel et continental des expériences qui peuvent se développer à la fois en Afrique et en Europe ”
Entretien avec Dr. Ahmed Bugre, Directeur Exécutif de la Fondation pour l’Accueil et le Soutien aux Migrants [FSM], membre de ADEPT basé à Malte
- Pourriez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?
Je m’appelle Ahmed Bugre et je suis originaire du Ghana. Je vis et travaille à Malte depuis 30 ans. J’ai pratiquement passé plus de la moitié de ma vie en Europe. J’ai eu le diplôme de docteur en droit à l’Université de Malte, où je suis actuellement un professeur invité en droit des migrations, société et politique, et compétences de plaidoyer. Je donne également des cours en macroéconomie et en responsabilité sociale des entreprises à l’Université Nehemiah Gateway en Albanie et à l’Oldenburg School of Business en Allemagne.
Je suis la première personne d’origine africaine à recevoir la médaille d’honneur nationale pour notre travail en faveur de l’intégration des migrant.e.s et des réfugié.e.s africains à Malte. En 2018, j’ai reçu le prix Rotary Club pour la Paix en Méditerranée.
Je suis le président et le cofondateur de la Fondation pour l’Accueil et le Soutien aux Migrants [FSM] qui est notre organisation dirigée par la diaspora ici, à Malte.
- Quel était le but de la création de la FSM ? Quand a-t-il été créé et quels sont ses objectifs aujourd’hui ?
La fondation a été fondée en 2010 et a connu une croissance organique. En effet, sa création a coïncidé avec le pic des arrivées des réfugié.e.s de la Libye. En fait, les migrant.e.s et les réfugié.e.s nouvellement arrivé.e.s d’Afrique subsaharienne souffraient du manque de logement, de services, de soins médicaux et d’éducation. Par conséquent, j’ai commencé à travailler dans les camps de réfugié.e.s, de la détention des migrant.e.s et les centres ouverts. Puis, le gouvernement de Malte m’a invité à diriger l’un des plus grands centres ouverts de Malte, le centre ouvert Marsa.
Par la suite, j’ai décidé, avec quatre autres personnes du centre qui étaient des leaders de la diaspora, de créer la fondation principalement pour trois raisons. La première raison a été la création d’un centre pour les demandeur.e.s d’asile, les réfugié.e.s et les migrant.e.s traumatisé.e.s afin de leur fournir une assistance et un soutien complets dont ils/elles avaient besoin après avoir été libérés des centres de détention. Beaucoup d’entre eux/elles restaient dans la rue et prenaient la voie de l’alcoolisme et de la toxicomanie à cause de leur traumatisme. C’est pour cette raison qu’il fallait offrir un soutien temporaire aux gens pour les sortir de ce cercle vicieux.
La deuxième raison visait à répondre aux besoins en matière de services sociaux, à savoir l’intervention médicale, le counseling en traumatologie et l’éducation. En effet, pour que l’intégration des migrant.e.s africains à Malte soit réussie, ils/elles doivent faire des études.
Enfin, la troisième raison était d’assurer des opportunités d’emploi aux migrant.e.s et aux réfugié.e.s qui ont décidé d’intégrer la société maltaise. Ainsi, nous avons assuré aux migrant.e.s l’accès à divers programmes de formation disponibles dans les centres ouverts afin qu’ils/elles puissent obtenir un emploi et un niveau de vie décent. Aujourd’hui, nous travaillons pour suivre les mêmes objectifs et beaucoup plus, nous fournissons maintenant des conseils juridiques aux migrant.e.s, aux demandeur.e.s d’asile et aux réfugié.e.s.
À la FSM, nos activités reposent sur quatre grands piliers : l’accueil temporaire, l’aide médicale et psychologique, l’éducation et la défense des droits.
- Quels sont les projets et les domaines d’activités de la FSM et comment voudriez-vous maximiser votre impact sur le continent ?
Chez FSM, nous menons trois projets par année. Actuellement, nous menons un projet avec le soutien du Fonds Européen pour l’Asile, la Migration et l’Intégration [AMIF], qui vise à développer l’apprentissage des adultes migrants. En effet, nous formons des enseignant.e.s qui aideront les migrant.e.s à apprendre l’anglais et le maltais, en plus de l’orientation culturelle, de la législation sur l’emploi, du logement et de la résidence à Malte.
Nous avons deux autres petits projets soutenus par Erasmus+ qui visent à faciliter l’inclusion des migrant.e.s dans l’éducation. En fait, l’an dernier, nous nous sommes concentrés sur l’éducation et cette année, nous nous concentrons sur la santé mentale. Ce projet est soutenu par le gouvernement maltais par l’intermédiaire du Ministère de la Santé où nous visitons tous les hôpitaux de santé mentale afin de soutenir les migrant.e.s en détresse et de les aider à s’intégrer dans la société.
Grâce à notre travail, nous aspirons à former les migrant.e.s avec des connaissances et des capacités qui peuvent bénéficier à la fois, leur pays d’origine et de séjour. En fait, l’idée est de transformer ces migrant.e.s en agents de développement qui transfèrent leurs compétences et connaissances dans leurs pays et communautés d’origine en Afrique.
De plus, la FSM travaille activement avec certains projets de l’Union Africaine. Par exemple, nous participons actuellement à la cartographie des instruments humanitaires et nous aidons l’Union Africaine à mettre sur pied un institut de formation sur le droit et les instruments humanitaires.
- Quel message voudriez-vous envoyer à d’autres organisations de la diaspora ? Aux leaders de l’UE et de l’UA ? À la jeunesse africaine ?
La majeure partie de notre travail à la FSM se fait auprès des jeunes. En fait, la FSM est le fondateur du réseau de soutien aux ressortissant.e.s de pays tiers, plateforme qui rassemble 24 organisations de migrant.e.s à Malte. Nous essayons de répondre aux besoins des personnes, mais aussi de travailler au niveau communautaire, en nous attaquant aux problèmes des jeunes. Nous avons l’aile jeunes réfugié.e.s appelée Spark 15 qui est la première ONG dirigée par les jeunes réfugié.e.s qui vise à encourager la jeunesse à devenir une partie prenante active de la société inclusive de Malte. En fait, l’âge moyen des réfugié.e.s à Malte est de 29 ans. Nous leur offrons de la formation, du renforcement des capacités et des services-conseils en matière de développement du leadership. Nous participons également au Forum national des jeunes et au Parlement national des jeunes. En fait, à travers notre programme, nous encourageons la participation des jeunes réfugié.e.s aux débats civiques de Malte, tout en leur offrant un espace au Parlement pour exprimer les besoins de la diaspora.
La contribution de la jeunesse africaine à notre continent peut être immense, car la plupart de ces jeunes ont des compétences uniques. Par conséquent, nous encourageons fortement le partage interculturel et continental d’expériences entre les jeunes d’Afrique et d’Europe. Par exemple, nous croyons que lorsque les jeunes de la diaspora se rendent en Afrique, ils voient des possibilités et ils contribuent à inspirer et renforcer leurs pairs là-bas. Néanmoins, j’espère que le contraire pourrait également être possible, où l’Europe peut devenir un espace d’expression et d’épanouissement de la jeunesse africaine.
Je crois sincèrement que cet échange serait très bénéfique, surtout pour donner aux jeunes Africains la chance de venir en Europe et d’apprendre de la richesse des ressources dont nous disposons. En fait, toute interaction favorise le développement en termes de transfert de compétences.